2009

> Les voix de Paule-Emmanuelle…

Septembre, me voilà pendant deux jours à enregistrer Paule-Emmanuelle Gabarra à Quai des Voix (où je serai intervenant musicien dans le cadre de formations autour de l’improvisation et création vocale). Pianiste concertiste et chanteuse, elle possède la rigueur, la précision du classique et la liberté d’une pratique contemporaine ouverte aux traditions extra-occidentales, frisant le théâtre musical et ne craignant ni l’impure ni le bruit. Des horizons qui me rappellent Joan La Barbara, Sainkho Namtchylak, Maja Ratkje, Meredith Monk, Fátima Miranda ou encore Makigami Koichi.

…pour une sonorisation permanente de lieu public.

Image : Lightec /Architecte : GArchitecture

Il s’agit donc de recueillir du chant et des bruitages pour le projet de sonorisation du Centre de loisirs de Villebon-sur-Yvette qui verra le jour en 2010 et qui m’offre la possibilité de produire plusieurs heures de musique (parking, jardins, hall d’accueil, la nuit, le jour…le plus souvent en ponctuation du silence, en diffusion plutôt discrète et intime). Une grosse partie du travail devra se faire avec la complicité des usagers du centre, enfants, parents et grands-parents qui seront interviewés et enregistrés à leurs domiciles. Ces captations de paroles seront ensuite scénarisées pour produire une sorte de fiction documentaire.
Mais cette collecte-ci est principalement pensée pour la création sonore qui sera synchronisée avec les lumières la nuit dans les jardins pour enfants. Je profite des talents de Paule-Emmanuelle pour me fabriquer entre autres un kit d’échantillons de voix en quarts de ton qui pourront se jouer au clavier. Enregistrée sur 2 octaves (ce qui, en quarts de ton fait beaucoup de notes !), avec différents timbres et nuances, l’instrument qui en résultera permettra une pièce assez improbable, les micros intervalles étant ultra difficiles à mémoriser et à chanter avec justesse. Merci au e-tuner, petit diapason électronique de poche qui donne les quarts et tiers de ton avec une grande précision. A ce propos, je feuillette le dictionnaire des musiques microtonales en ce moment !

Les autres directions vocales s’orientent vers des jeux vocaux parfois harmoniques, parfois bruitistes voire organiques, de longs glissandi microtonaux ou de pétillantes onomatopées.
La suite, pour le moment, c’est l’écriture du dossier d’appel d’offre pour la complexe installation technique. C’est beaucoup moins drôle mais ça semble être une étape obligée lorsqu’on accepte de faire la maîtrise d’œuvre !

> Presque komplet
Été 2009…de nouveaux outils virtuels viennent s’ajouter aux nombreux autres. Pour entretenir une gestuelle qui glisse, frotte, tourne, percute avec les 10 doigts, les coudes, les pieds et plus si affinités, l’idéal est bien sûr de les configurer à sa guise. Les claviers et interfaces de contrôle MIDI sont faits pour ça et permettent de garder ce lien étroit du corps à la musique, ce toucher d’artisan.
Les outils de synthèse, d’échantillonnage, de traitement Native Instruments ne sont plus à présenter mais je me délecte toujours autant du piano jouable en quarts de ton ainsi que de la synthèse et des traitements granulaires.

Erik Satie joué en piano quarts de ton et traitement sonore.

Les instruments ont presque tous des fonctions aléatoires évoluées pour plus d’imprévu en situation de jeu ou d’enregistrement. Le mieux -pour moi- est d’utiliser ses propres banques d’échantillons (des prises de sons d’instruments le plus souvent très acoustiques justement) plutôt que les nombreuses sonorités fournies avec l’énorme pack de logiciels Komplete 5.

Moins connus mais très convaincants après usages intensifs, les outils de Camel Audio (utilisés entre autres par Danny Elfman tout de même !) viennent compléter mon attirail tant pour le jeu de scène que pour le studio (multi effets Camel Space et Camel Phat et synthèse additive par morphing Cameleon 5000). Toujours aussi intuitives, les fonctions aléatoires ainsi que les milliers de présélections fournies n’en finissent pas d’éveiller les potentialités créatives et compositionnelles.

Bref, ce ne sont là que de simples outils et jouets complexes. Ils me combleront tant qu’ils ne feront que compléter et servir des projets, des idées, des rencontres et du partage…

> Florilège pour une semaine d’enregistrement
Août 2009, je joue et enregistre tout un barda d’objets sonores dans un grand espace insonorisé nuit et jour (à Quai des Voix). Après des semaines d’informatique musicale et d’enregistrements de levés du jour en Bretagne…au programme : tambour d’eau, claps, cithare de Madagascar, trio de kalimbas, cymbale gong, arc à bouche, appeaux (jusqu’à trois en même temps), tambour à cordes, shrutibox (bourdon Indien), série de cloches, triangle liquide, ressorts, bol chantant, orgues à bouche, brosse à dents musicale électronique (la bouche faisant évidemment office de caisse de résonance), divers métallophones, double susu (petite pensée à Jean-Jacques Birgé !) flûte à hanche (Xaphoon), marimbula (énorme kalimba basse)… Les instruments sont parfois minutieusement préparés d’élastiques, de papier de soie ou joués à l’archer. Du ludique au raffiné, un florilège bien hétérogène comme j’aime. Tout est enregistré en tempo libre puis successivement à 80-100-120-140 BPM. Ce n’est pas tant de la maniaquerie qu’une ample archive de sons qui servira différents projets en cours ou à venir. Le plus excitant étant bien sûr de découvrir de nouveaux gestes, combinaisons, d’intervertir des techniques de jeux et quand des instants de grâce adviennent… c’est dans la boîte !